Boire de la Clairette de Die, ce n’est pas seulement consommer bio et local, c’est redécouvrir un vin étonnant, naturellement pétillant à l’arôme puissant. Pour lever le voile sur la production de la Clairette de Die bio, nous sommes partis à la rencontre du vigneron Vincent Lefort, en pleine vendange de son muscat.
Il faut rouler environ une heure et demi de la ville la plus proche, en l’occurrence Valence, pour arriver dans les vignes de Vincent et Hembise Lefort perchées dans le haut Diois. Nous sommes à la sortie de Barnave, un petit village de 200 habitants qui fait face au Glandasse. Il est 10 heures du matin en ce début du mois d‘octobre, le soleil est encore là, prêt à réchauffer l’air. Nous sommes à flanc de colline, à 600 mètres d’altitude et le paysage est à couper le souffle. La journée est déjà bien entamée dans les vignes. Une vingtaine de personnes dont l’âge varie entre 20 et 30 ans s’activent à ramasser les grappes à la main. Vincent Lefort s’est installé ici dans les années 80 à une époque où faire du bio n’était pas chose aisée. Aujourd’hui, 25% des Clairettes de Die sont désormais passées en bio.
Quelles sont les spécificités de ces vendanges par rapport à l’année dernière ?
« Cette année, c’est un peu spécial, nous vendangeons tardivement car l’été n’a pas été bon et au printemps la saison a été perturbée par le gel. La vigne a perdu du temps qu’elle n’a pas pu rattraper cet été. Il a fait froid, il a beaucoup plu, la floraison s’est faite fin juin, soit avec 15 jours de retard. Résultat, nous avons de gros grains de raisins très juteux, mais rares, exactement l’inverse de l’année dernière ou nous avions des petits grains en pagaille ! J’ai l’impression malgré tout que nos vignes encaissent mieux les coups durs que celles de nos voisins. Notre vigne paraît « plus souple ». »
Comment expliquez-vous cette résilience ?
Nous cultivons le raisin en biodynamie, c’est à dire que nous essayons de mettre en lien la terre, la plante et l’animal pour reconstituer ce cycle complet qu’est la vie sur terre. Nous élaborons des levains, des mélanges qui activent la vie microbienne du sol. Ce sont des préparations à base de bouse de vache et de plantes médicinales que nous enterrons pendant un cycle complet d’avril à octobre. Cette matière organique va maturer et se transformer. Aujourd’hui les micro biologistes se penchent sur nos préparations et observent une richesse énorme de micro organismes. Notre sol est plus vivant et plus riche, il réagit mieux aux accidents micro climatiques, aux grandes périodes de sécheresse comme aux fortes pluies. Il se développe dans ces engrains verts une multitude d’insectes et de microbes qui forment des réseaux racinaires entre les plantes et les arbres. Ces réseaux de champignons font un lien de passage de sève continu pour s’échanger des minéraux et des informations de toute sorte. Il existe donc un bien être, une intelligence et une organisation végétale. La biodynamie c’est un petit coup de pouce en plus ! »
Quelles sont les effets de cette biodynamie sur le goût de votre Clairette de die bio ?
« On retrouve effectivement des constantes dans le vin qui vit et vieillit mieux. Ce n’est pas un hasard si de nombreux domaines passent en bio. Il faut que les vignes développent des racines plus profondes pour leur permettre de résister à la sécheresse. Les vins non bio doivent être plus irrigués, donc ils développent plus de sucre et moins d’acidité. Les vins en biodynamie sont des vins moins alcoolisés qui possèdent plus d’acidité et une grande richesse aromatique. Pour la Clairette, c’est intéressant car nous travaillons déjà avec des muscats, le raisin le plus aromatique qui soit. Nous allons donc obtenir un arôme très puissant. En biodynamie, tout ajout est interdit, il n’y a donc ni levure, ni sulfite. On obtient la Clairette en mettant directement le jus de raisin dans la bouteille, c’est la pression du gaz qui arrête la fermentation, on ne touche pas au jus. »
Quelles sont les spécificités de votre Clairette de die bio par rapport aux autres clairettes ?
« Le premier aspect qui nous différencie des Clairettes de la plaine est que nous travaillons avec des muscats moins murs et donc un peu plus acides. En dégustation, nous sommes plus sur des notes florales, des arômes de litchi alors que les clairettes du bas Diois ont des notes plus fruitées et plus sucrées. Au delà de la quantité réelle de sucre contenu dans la Clairette, l’important c’est l’acidité. Notre clairette est plus brute. »
Que faut-il pour bien déguster la Clairette de die bio ?
« Il faut d’abord de la fraîcheur et un vrai verre, l’idéal étant une flûte pour que la bulle puisse faire son petit tourbillon ! Sa couleur doit être limpide, on est très loin de ces produits bas de gamme vendus dans les hypers et dont la couleur est jaune… La clairette a souvent été assimilée par le passé à un vin médiocre alors que c’est un vin de fête, fin et élégant. Il lui faut avant tout de la fraîcheur qui va bien avec son nom ! »
Il est presque midi, la petite vingtaine de personnes embauchées pour les 15 jours de vendanges, surtout des amis de leurs enfants, ne vont pas tarder à se mettre à table. Le repas est offert comme tous les jours, c’est familial et joyeux. Dans deux jours les vendanges seront terminées et le lent travail de fermentation du raisin va pouvoir commencer.
Réalisé avec le soutien financier du Conseil Départemental de la Drôme.